Pfffff... corvées sur l’aire de pâture, c’était vraiment celle que j’aimais le moins. Même les latrines à coté, je trouvais ça marrant. Fallait dire que je les avais rarement lavées toute seule aussi. Et avec un bon ami, il y avait tellement de moyen de s’amuser avec un balai et du produit nettoyant. Mais sinon, j’avais plutôt la vision des dragons sur le reste des bêtes du Weyr, c’était du bétail et de la nourriture pour les habitants, ca n’allait pas beaucoup plus loin. En plus ce n’était vraiment pas une belle journée. Il ne faisait pas trop froid pour la saison mais le ciel était tout gris affreux, vous savez ce gris foncé annonciateur de pluie. Et bien, ça ne donnait pas du tout envie de sortir pour aller prendre soin des boucs dans l’enclos de l’aire de pâture. Mais alors vraiment pas du tout, et le cuisinier avait beau eu me répéter sans cesse qu’il fallait réapprovisionner les réserves de viandes séchées parce qu’on avait un peu écoulé notre stock pour les rouleaux de viandes donné aux chevaliers qui étaient partis en quête j’avais quand même retardé au maximum ma sortie. Quelque part ce n’était pas très futé vu qu’il pouvait se mettre à pleuvoir n’importe quand et qu’on ne me laisserait pas rentrer pour de l’eau mais bon.

Mais comme toujours nécessité fait loi, et j’avais fini par sortir en enfilant une veste pour me protéger au cas où. Bon je n’avais rien de compliqué à faire de toute façon. On m’avait dit de repérer les grosses bêtes du troupeau et de les désigner à l’éleveur pour qu’il les tue avant que les dragons ne se servent. Beurk, c’était vrai qu’il y avait aussi les dragons qui chassaient pas loin. J’avais beau avoir toujours vécu ici, un dragon qui fond sur une animal pour satisfaire son appétit, n’était pas vraiment un spectacle agréable avant de retourner faire à manger en cuisine. Bon on allait essayer de ne pas y penser. Je filai donc vers l’enclos en faisant quand même attention de ne pas passer à l’endroit de la chasse. Un rapide dialogue avec l’éleveur pour choisir les bêtes à abattre –n’en déplaise aux dragons qui nous observaient de loin comme si nous étions en train de leur voler dans leur assiette- puis je prenais une ou deux choses qu’il m’avait demandé de ranger pour lui dans la réserve. Il apporterait la bête aux cuisines pour qu’on mette la viande à sécher dès que ce serait fait. Et j’avais pas vraiment envie de voir ça non plus.

Je rentrais machinalement vers l’entrée du Weyr quand une wherrie poursuivit par un dragon –affamé ?- passa à quelques mètres au dessus de ma tête. Je lâchais le coffre que je tenais de surprise et il tomba sur mon pied avant de s’ouvrir et de déverser son contenu à coté de moi. Il y a avait une loi comme celle de la tartine de pain pour les coffres fermés ? Parce que j’étais presque sur que oui. Et surtout que le chevalier à qui appartenait le dragon ne vienne pas s’excuser hein… Ca aurait été trop beau au lieu de se marrer à l’autre bout de la prairie là. Pauvre idiot oui ! J’avais super mal au pied en plus. Je me baissais pour ramasser les objets par terre avant d’entendre un pas léger s’arrêter à coté de moi.

« Désolée pour le désordre, ca vient de tomber. Vous pouvez me passez l’outil à vos pieds? » demandai-je tout en relevant la tête vers la personne devant moi.

Bon logiquement, c’était à moi de ramasser, mais elle pouvait me passer le truc à ses pieds hein ? J’avais pas envie de ramper jusque là bas-à deux mètres quoi- en fait.

Franchement, tout le monde savait que l’air de patûre et le bol du volcan en général, était le terrain de jeu préféré des dragons. Et parfois de leur chevaliers quand ceux-ci n’avait pas la maturité d’esprit nécessaire à leur rang –les mecs hein UU-. Mais le coup du brun qui me rase la tête parce qu’il ne peut pas rattraper sa wherrie autrement, je l’avais un peu mauvaise quand même. Surtout que je ne m’y attendais pas du tout en trimballant mon coffre jusqu’à la réserve. Je n’étais pas spécialement tête en l’air et pour une fois j’aurais mieux fait, ça m’aurait permis de le voir arriver. Et par-dessus tout, ca m’énervait que son chevalier soit mort de rire de l’autre bout de la prairie… e soupirai profondément pour évacuer toute la frustration et le stress de ces derniers jours avant de me baisser pour ramasser tous les objets qui étaient sortis du coffre de bois en n’essayant plus ou moins consciemment de ne pas m’appuyer sur mon pied qui me lançait un peu. Puis je profitais du passage pour demander un peu d’aide.

« Bien sûr »

A peine avais-je eu le temps de relever les yeux vers elle que je voyais la lézarde de feu ramasser l’objet en question pour elle. Le manège me tira un sourire amusé tandis que je faisais un peu plus attention à mon interlocutrice. Déjà à sa façon de répondre mais encore plus en la dévisageant je remarquais son air tranquille, j’aurais presque dit apaisant pour moi qui allait de surprise en surprise depuis quelques jours. Contrairement à ce que les gens croyaient communément, je n’appréciais pas seulement les gens avec de fort caractère et si moi je ne me posais pas facilement, j’aimais bien l’impression de pureté que certains, comme cette jeune fille, dégageaient.

« Tiens. Tu es blessée ? Tu veux que je regarde ? Je suis Shin, j’aide à l’Infirmerie »
« Hein? Ah mon pied. Je veux bien mais je suppose qu’il a juste pris un bon coup. »

J’attrapai l’objet qu’elle me tendait et le remis à sa place avec les autres avant de me redresser mettant le pied un peu en avant. Autant pour qu’elle puisse y jeter un œil si elle voulait que moi en fait. Heureusement pour moi c’était une arête de bois qui avait heurté mon pied et non un coin, enfin je n’étais pas assez bornée et fière –le premier qui se marre est un affreux goujat !- pour faire comme si je ne sentais rien non plus. Surtout qu’elle avait mentionné travailler à l’infirmerie donc autant être honnête. Je n’allais pas pleurer non plus mais je grimaçais un peu.

« Merci, en tout cas. Je m’appelle Elhiès. Je suis une candidate à l’Empreinte et en attendant j’aide dans les cuisines la plupart du temps. »

Enfin, c’était là que je préférais être si je n’apportais pas l’huile aux Dames et Chevaliers. Même si avec les corvées que certains aimaient bien refiler aux candidats qui n’avait pas trop leur mot à dire, on pouvait se retrouver un peu tout azimute. Je ramassais le coffre que je callais sur ma hanche histoire qu’il tienne bien et regardais la lézarde de feu qui avait l’air très intéressée par son contenu en fin de compte.

« Ta lézarde est jolie. Ca fait longtemps que tu l’as ? »

Je regardais Shin jettais un coup d’œil sur mon pied l’air assez peu convaincu. Bah oui j’avais mis des sandales, à l’origine je devais rester en cuisine et j’avais toujours chaud à force de tourner les broches de viande ou à rester à coté des fours pour surveiller le pain. C’était une bêtise de l’avoir demander de sortir surtout par un temps pareil. Enfin j’avouais que j’étais surtout persuadé de m’en tiré avec un bel œuf sur le dessus du pied et quelques jours à être obligé de m’être des bottes ou des chaussures en cuir pour le caché rien de très grave finalement. En fait, j’aurais pu lire dans les pensées de ma nouvelle connaissance nous serions tombé d’accord.

« De rien, Elhiès. Enchantée de faire ta connaissance »
« Moi de même. »

Au-delà des conventions, je devais avouer que ma réponse était sincère. Bien sur, j’aimais en général rencontrer du monde, ma nature était loin d’être renfermée ou asociale –bien que certains diraient que j’ai quelques problèmes relationnels… Hrm- mais je devais avouer que n’ayant pas eu beaucoup de travail avec des gens de mon âge aujourd’hui j’étais encore plus contente de pouvoir bavarder un peu. Sans oublier que la lézarde de feu qui tournait dans tous les sens autour de sa maîtresse depuis un moment me faisait beaucoup rire. Elle avait l’air très fière de nous aider et j’en profitais pour demander des renseignements à son sujet.

« Juste deux révolutions. C’est un Aspirant bronze qui me l’a offert... C’est plus original que des fleurs, ça vit plus longtemps et c’est bien plus utile. Je suis très contente de l’avoir avec moi, et elle semble plutôt satisfaite de ma compagnie. »
J’éclatai de rire à la mention des fleurs. « C’est sur qu’il a fait fort. Vous deviez être proche ? . » Bon c’était plus une constatation qu’une véritable question. Je devenais vraiment comme Shendra à trop la fréquenter, curieuse comme pas possible. « Tu l’as dresse souvent ou elle était intelligente comme ça dès le départ ? »

J’avais déjà entendu parlé de personnes qui se spécialisaient dans l’élevage de ses animaux. Certes ils étaient moins intelligents et moins impressionnants que des dragons, mais quelque part c’était aussi bien plus mignon et gentil apparemment. Et on pouvait leur apprendre des choses vraiment marrantes. Après que ce soit le cas de Shin ou pas, c’était surtout pour la connaître que je posais la question.

« Alors comme ça, tu es Candidate... Tu voudrais marquer quelle couleur ? »
« Euh… bleu ou vert, je pense. »

C’était la question que j’entendais le plus en ce moment. Que je connaisse les gens ou non. Je n’avais jamais désiré être une candidate dorée, même s’il était vrai qu’avec mon âge, certaines m’avaient reproché de jouer double-jeu dans les dortoirs. Enfin, on ne pouvait pas dire que c’était les plus malines. Après, je savais –et pour cause- que parfois les femmes préférant les femmes marquer des bleus, et je me considérais comme assez méritante pour que ça m’arrive, mais peu importe le dragon que je marquerai, je savais que nous seront parfaitement en harmonie. J’étais surtout de plus en plus impatiente au fur et à mesure que les jours passaient. Je me demandais d’ailleurs si Shin ne voulait pas venir sur les sables avec nous ?

« Et toi ? Tu n’as jamais voulu devenir candidate ? »

Ou pas. Je comprenais aussi les gens comme Niamh qui préférait partir faire un métier dans les ateliers ou juste rester dans les cavernes inférieurs. C’était à la fois plus sur quand on croyait au retour des fils et plus intéressants si on avait une vocation après tout. Après avoir écouté sa réponse, je suivais le regard de la jeune fille vers une barrière pas si loin.

« Si tu vas t’asseoir, je pourrai te masser un peu le pied . »
« Oh bonne idée ! Ca je veux bien ! »

Je lui adressais un sourire sincère avant de lever les yeux au ciel. Bon on risquait de se faire chasser par la pluie mais tant pis. J’allais m’asseoir sur la barrière et posais le coffre à mes pieds. Prenant appuie dessus je détachais ma sandale du pied ou je m’étais fait mal et attendais que Shin s’installe pour lui tendre.